Achat institutionnel du riz local au Mali, un levier efficace pour la promotion du riz local !

Achat institutionnel du riz local au Mali, un levier efficace pour la promotion du riz local !

12/07/2019

Pour les premières expériences des OP dans les achats institutionnels, la Plateforme Nationale des Producteurs de Riz du Mali (PNPRM) était en charge du processus. Cependant, d’importants disfonctionnements rendaient l’activité peu attractive. En effet, pour les premières expériences, dès l’annonce de l’achat institutionnel par l’Office des Produits Agricoles du Mali (OPAM), les commerçants, s’empressaient d’offrir aux producteurs individuels, des prix plus élevés que ceux de l’OPAM (qui proposait des prix déjà rémunérateurs) ce qui empêchaient les OP de constituer leurs stocks et respecter leurs engagements. En outre, les délais fixés par l’OPAM étaient tellement courts que l’opération devenait très difficile ! Suite à la reconnaissance officielle de l’Interprofession Riz par les autorités en 2018 (IFRIZ a été créée en 2016), nous avons décidé de lui faire porter le processus, en tant que structure garante de la bonne gouvernance de la filière. Cela nous a aidé à interpeller les parties prenantes et à nous

Faliiry Boly Président de la Plateforme Nationale des Producteurs de Riz au Mali (PNPR-M) et de l’Interprofession Riz

Au Mali, grâce à des conditions favorables, la culture du riz a pris un rôle central dans la sécurité alimentaire et l’économie du pays. Considéré comme un produit stratégique, le riz a fait l’objet d’une attention particulière en termes de politiques publiques au cours de ces dernières années, permettant d’élever le pays au 2ème rang de producteurs de la région Afrique de l’Ouest, avec près de 3 millions de tonnes de paddy produites annuellement.

En dépit de ces avancées, les efforts de valorisation dans la commercialisation du riz local doivent se poursuivre sur le marché domestique, notamment en renforçant l’engagement de l’état pour réduire progressivement les importations, mais les acteurs de la filière attendent aujourd’hui une avancée du côté du marché institutionnel.

L’achat institutionnel : késako ?

L’achat institutionnel est un mécanisme d’achat de plus en plus utilisé en Afrique de l’Ouest. Au Mali, cela fait référence à des commandes institutionnelles (publiques et autres). En ce qui concerne les commandes institutionnelles publiques, elles sont destinées à constituer 2 stocks : -un stock national de sécurité alimentaire, destiné à des distributions alimentaires. -le stock d’intervention de l’Etat, constitué uniquement de riz, destiné à réguler le marché. Ainsi ce stock est utilisé pour soulager temporairement le marché lorsque les prix deviennent trop élevés. L’autre objectif majeur de l’achat par l’Etat via CSA/OPAM est d’assurer un prix rémunérateur aux producteurs en vue de leur éviter de brader leurs productions en période de récolte.

Par ailleurs, d’autres institutions, notamment le Programme alimentaire mondial (Pam), font de l’achat institutionnel.

2014 et 2015 : Les deux premières années de l’opération

L’Opération d’achat institutionnel du riz local par l’Etat a démarré en 2014. La Plateforme Nationale des Producteurs de Riz du Mali (PNPR-M), soutenue par Rikolto (ex-VECO) dès le début, a accompagné les OP a participé à l’opération. Les deux premières opérations (2014 et 2015) ont permis aux OP de livrer à l’OPAM 4.853, 200 tonnes et 4664,4 tonnes pour respectivement 2.223.170 euros et 2.227.537 euros.

Ces deux premières opérations se sont révélées très porteuses pour les OP et leurs membres : des prix rémunérateurs pour les producteurs dans tous les bassins de production (la vente de leur paddy à 175 FCFA contre 160 FCFA à la même période ; pour le riz grain, le prix n’a pas été en dessous de 300 FCFA contre 250 à 275 CFA sans l’opération).

2016 et 2017 : rupture dans l’achat institutionnel

L’exemple des 2 années de rupture dans l’achat institutionnel (2016-2017), notamment en raison de la présence d’importants stocks de riz sur le marché , a accentué les réticences des organisations de producteurs (OP) à s’engager dans ce mécanisme, parce que redoutant l’incertitude du calendrier de paiement.

L’absence d’achat institutionnel de riz local pendant ces deux années a mis en exergue le caractère à risque de cette opération pour les OP. Faire instituer ce mécanisme d’achat permettrait donc d’une part, d’éviter le fastidieux processus de négociation entre l’état et les organisations de producteurs, réitéré chaque année, et d’autre part, d’assurer aux producteurs un revenu fixe et prévisible non négligeable, pour mieux valoriser la production locale.

2018 : relance de l’achat institutionnel, premiers résultats.

En 2018, les rencontres multi acteurs ont permis à la PNPR-M/IFRIZ et leurs alliés de réfléchir et d’adopter des stratégies efficaces pour la relance des opérations d’achat de riz des producteurs maliens via le CSA/OPAM. Cette relance s’est concrétisée par la signature d’un contrat entre l’OPAM et l’IFRIZ. A son tour, l’IFRIZ a signé les contrats de fourniture avec les membres engagés dans l’opération (8 OP et 1 commerçant), contrairement aux deux précédentes opérations dont les contrats étaient signés entre les OP impliquées et l’OPAM. Une quantité de 5 000 T de riz local de variété Gambiaka, dont 3 000T pour les OP, a été contractualisée pour un montant total de 2.408.397 euros. Les membres de l’IFRIZ ont respecté 100% de leurs engagements contractuels, après un prolongement des délais de livraison par l’OPAM. Un accord de prélèvement à hauteur de 2FCFA/kg a été consenti par les parties prenantes au contrat. Ce montant est reversé pour le fonctionnement de l’IFRIZ, signataire du contrat. La réussite de ce plaidoyer tire son origine de l’engagement d’un groupe de parlementaires au côté de la PNPR/IFRIZ, qui a permis l’interpellation des autorités en charge des stocks de sécurité. Afin d’impliquer l’ensemble des acteurs de la filière, la démarche s’est accompagnée de sessions d’information auprès des 4 familles d’acteurs membres de l’IFRIZ (producteurs, commerçants, transporteurs, transformateurs) ainsi qu’auprès des membres des OP concernées.

2019 : Du plaidoyer à la législation ?

Si les actions menées en 2018 ont permis de relancer l’activité, d’importantes difficultés restent palpables (pertinence des délais de livraisons requis, retards importants dans le paiement des livraisons, etc…). Ces difficultés prouvent la nécessité de renforcer le mécanisme pour aboutir à une législation qui satisfait notamment les producteurs au service d’une agriculture familiale locale. Ainsi, d’ici fin 2019, au moyen notamment de la mise en place d’un plaidoyer solide, les acteurs de la filière souhaitent amener le gouvernement malien à prendre une mesure concrète régissant l’achat institutionnel du riz local auprès des producteurs, telle que la mise en place d’un arrêté ou d’une loi dans le meilleur des cas.

Pour cela, un plan d’action de plaidoyer est établi au moyen de diverses méthodes d’influence : alliance/partenariats, expertise terrain, lobbying, médias. Elles permettront d’une part d’informer et d’influencer les autorités à prendre les mesures voulues et pertinentes et d’autre part de renforcer les capacités des OP à mieux se structurer pour répondre de façon satisfaisante aux éventuels marchés institutionnels qu'ils auront après obtention de l'arrêté.

Les mécanismes et perspectives de l’Achat Institutionnel au Mali

Aujourd’hui, les contrats d’achat se font directement entre l’OPAM et IFRIZ, qui reverse l’argent aux producteurs après un prélèvement de 2FCFA/kg. L’Interprofession a aujourd’hui mobilisé 10 millions de FCFA qui nous permettent d’appuyer considérablement nos demandes auprès des banques qui sont désormais prêtes à nous accompagner. Personne n’imaginait qu’on pouvait réussir un tel pari ! La prochaine étape sera de réaliser un premier bilan pour ainsi pouvoir lancer l’institutionnalisation de l’achat institutionnel d’ici le mois de novembre. Obtenir une loi au niveau de l’assemblée risque de prendre du temps mais nous espérons déjà une première avancée avec l’application d’un décret qui sécurisera le mécanisme. C’est maintenant à l’Interprofession de travailler aux négociations de volumes et de prix attendus pour les prochaines campagnes, afin d’assoir durablement des prix justes et rémunérateurs qui s’aligneront sur les réalités des différents acteurs.

Faliiry Boly Président de l’Interprofession Riz (IFRIZ) et de la Plateforme Nationale des Producteurs de Riz au Mali (PNPR-M)