Les bénéficiaires du projet Qualiriz s'expriment

Les bénéficiaires du projet Qualiriz s'expriment

20/11/2020

Contexte

Rikolto met en œuvre depuis octobre 2018 le projet « Qualiriz : Selling Quality Rice for a better income » dans la région du Centre Est, en partenariat avec TRIAS, l’INERA et le cabinet SICAREX. Le projet est soutenu financièrement par l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), qui ambitionne de promouvoir une chaine de valeur inclusive du riz dans la région du Centre-Est.

Le projet ambitionne, entre autres, de renforcer les capacités de transformation des unités de décorticage implantées dans la zone du projet. Pour cela, le projet voudrait, d’une part, appuyer ces unités à travers une mise à niveau technique afin qu’elles soient en mesure d’offrir un riz de meilleur qualité; et d’autre part, œuvrer à leur mise en relation avec des commerçants pour la distribution du riz local sur le marché. Dans cette même optique d’améliorer la qualité du riz offert aux consommateurs, le projet travaille également, non seulement au renforcement des capacités des producteurs pour la fourniture de paddy de qualité aux unités de décorticages, mais aussi à l’établissement de relation contractuelles entre ces deux acteurs.

Dans ce modèle, le rôle de Rikolto est d’accompagner les rizeries à établir des relations commerciales à travers des contrats avec les producteurs pour l’approvisionnement en paddy et à mettre leurs unités à niveau pour offrir un riz de qualité en quantité suffisante aux consommateurs.

Le 28 octobre 2020, accompagné par l’équipe du projet, le Directeur Régional a échangé avec deux des promoteurs d’unités de décorticage de riz de la plaine de Bagré afin de connaitre leur niveau de satisfaction des prestations du projet. Il s’agit de :

  • Monsieur Kaboré Marcel, promoteur de la « Rizerie Kaboré » installé au village « V7 » du périmètre aménagé de la commune de Bagré village V7
  • Madame Zouré Lamoussa, promotrice de la « Rizierie Sanara Wend-Panga » installée au village « V2 » du périmètre irrigué de la commune de Bagré

Qui est Marcel Kaboré ?

Arrivé à Bagré en 2000, je me suis dans un premier temps investi dans la production du paddy. J’ai adhéré à la coopérative de producteurs de riz « Song-taaba ». En 2006, je suis devenu magasinier de cette coopérative. A cette époque, j’ai remarqué que des promoteurs d’unités de décorticage venaient de Bobo Dioulasso (plus de 500 km de Bagré) pour s’approvisionner en paddy. Avant d’arriver sur la plaine de Bagré, je faisais du commerce : j’achetais le paddy et le vendais sur les marchés un peu partout dans le pays. Aussi, l’exemple des promoteurs de Bobo m’a inspiré de créer ma propre unité de décorticage. A l’époque, les chinois qui ont aménagé la plaine avaient doté chaque village de la plaine d’unités de décorticage. J’ai commencé à acheter du paddy pour le décortiquer au niveau de ces unités avant d’acquérir la mienne. C’est ainsi qu’en 2011 j’ai construit le bâtiment de ma première unité. En 2012 j’ai acquis les équipements et en 2013 j’ai achevé l’installation de l’unité de décorticage. Mon unité s’appelle « Rizerie KABORE » tout simplement parce qu’auparavant, dans toutes mes transactions de vente de riz, n’ayant pas attribué un nom particulier à mon entreprise, lors de l’établissement des documents financiers, mes partenaires inscrivaient simplement le nom « KABORE » sur les documents. Lorsque la rizerie a vu le jour, j’ai voulu resté dans cette dynamique en l’appelant « Rizerie KABORE ».

Mon constat est que la transformation du paddy est plus rentable que la production. En effet, ici les parcelles ne sont pas extensibles et même si tu as les moyens tu ne peux pas produire sur plus d’un ha. En outre nos moyens de production requièrent beaucoup d’effort physique. Avec le temps on devient moins endurant. C’est également la raison pour laquelle j’ai cherché à diversifier mes activités.

Actuellement, ma capacité à satisfaire la demande reste mon plus grand défi. Mon unité est en effet de petite capacité (2 tonnes/jour) et je manque d'un fonds de roulement conséquent pour m’approvisionner en paddy. Par ailleurs, en saison hivernale, nous avons des difficultés pour produire en quantité à cause des intempéries. Le séchage est alors difficile : nous n’avons pas d’infrastructure qui permette le séchage même en temps de pluie. En saison hivernale, il est difficile de planifier la production à cause des pluies.

Présentement, j’implante une nouvelle unité de plus grande capacité : 5 tonnes/heure. Elle va me permettre de décortiquer le riz, de le calibrer et de l’ensacher automatiquement ; surtout, elle va me permettre d'offrir des quantités plus importantes de riz à mes clients.

Qui sont les clients de la Rizerie KABORE ?

La rizerie travaille avec divers clients : la SONAGESS, l’UNPRB (dans le cadre des achats institutionnels) et des clients individuels à Ouagadougou, à Tenkodogo, Koupéla, Zabré. Mais les clients de Ouagadougou sont de loin les plus importants. Grâce au projet Qualiriz, nous avons diversifié davantage notre clientèle. Nous n’arrivons même pas à satisfaire la demande.

Quels changements le projet a apporté chez ce promoteur ?

Actuellement, les producteurs ont compris l’importance du séchage et du vannage correct du paddy ; il y a de moins en moins de mélanges variétaux. Grâce au projet, les producteurs sont en passe d’abandonner les anciennes variétés telle que « Samangrain » au profit des variétés nouvelles plus demandées par le marché que sont, Orylux, TS2, Nerica 60, Nerica 62 et dans une moins mesure la FKR19. La qualité du paddy s’est vraiment améliorée : actuellement quand on transforme le paddy, la couleur est homogène. Il n’y a plus de grains colorés (jaune, rouge) ou de grains pourris.

Grâce à l’accompagnement à la prospection de nouveaux débouchés, la clientèle s’est diversifiée et les volumes demandés ont augmenté. De par le passé, nous vendions juste à un petit nombre de distributeurs partenaires qui nous imposaient leurs prix et mode de paiement. Avec le projet, le nombre d’acheteurs à augmenter, les prix sont maintenant plus intéressants et les transactions sont sécurisées par des documents contractuels quand il s’agit de vente ou d’achat à crédit. Avant le projet le prix de la tonne de riz blanc atteignait à peine 325 000 FCFA (environ 495 euros). Avec la contribution du projet, il atteint à présent 340 000 FCFA (environ 518 euros).

De même, nous avons appris à travailler avec les producteurs à travers des contrats formels. Seulement ces derniers n’acceptent pas de livrer leur paddy à crédit. Ils souhaitent être payés cash.

Quels sont les besoins non-encore satisfaits ?

Quand le producteur vient te proposer son paddy, il te livre en priorité l’équivalent du crédit que tu lui as accordé. Si tu as suffisamment de liquidité pour prendre plus, il va te livrer. Si non, il va vendre ailleurs parce qu’il a besoin de liquidité. Si le projet peut aider vraiment à renforcer la confiance avec les banques, ce serait l’idéal. Cela nous permettrait d’accéder plus facilement au crédit auprès des banques. Je souhaite que le projet appuie davantage les promoteurs d’unités de décorticage à accéder à des financements conséquents. Aujourd’hui je travaille avec CORIS Bank International : quand je leur présente un dossier, ils me disent qu’ils voient bien que mon activité peut être rentable, mais je n’ai pas de garantie suffisante pour prendre un crédit conséquent.
Marcel Kaboré PDG "Rizerie Kaboré"

Le problème crucial est notre faible accès au financement pour collecter le paddy. Les promoteurs d’unités de transformation avaient espéré accéder au crédit pour collecter le paddy. Malheureusement, les financements n’ont pas pu être mobilisés. Moi particulièrement, je n’ai pas de garantie pour présenter aux banques et bénéficier du crédit. C’est ce qui a vraiment manqué. La demande s’est accrue mais nous n’avons pas obtenu les fonds nécessaires pour collecter le paddy à temps.
Pour couronner le tout, les acheteurs étrangers (ghanéens, béninois, nigériens, nigérian, etc.) sont venus avec de la trésorerie pour acquérir le paddy : ils ont fait de la surenchère, rajoutant 10, 15 parfois même 25 FCFA/kg. Ils ont acheté le paddy même quand il était mal séché. N’ayant pas les mêmes moyens, nous les nationaux nous en avons pâti. Les producteurs n’acceptent pas de livrer le paddy à crédit. Les étrangers sont venus avec du cash ; alors ils sont partis avec tout le paddy !

Nous les producteurs, sommes déjà endettés auprès de la Caisse Populaire. Alors nous ne pouvons pas trainer pour vendre notre production au risque de ne pas être en mesure de payer nos échéances et encourir des pénalités. Sinon, nous n’avons pas vendu notre paddy aux étrangers par plaisir ; nous savons que travailler avec les promoteurs locaux d’unités de décorticage est plus avantageux pour nous. Ce sont eux qui nous aident aussi avec certains services induits. Nous avons donc plutôt intérêt à collaborer avec eux. Mais nous avons besoin de liquidité pour être en mesure de préparer la campagne de production suivante une fois la récolte faite.

Emmanuel Kaboré Producteur de paddy à Bagré

L'expérience de Lamoussa et Safoura, deux femmes battantes !

Lamoussa (g) et Safoura (d)

Lamoussa Zoure est la promotrice de la Rizerie Sanara Wend-Panga. Elle s’est associée à Safoura Bancé promotrice de la « Riziérie Koumare » pour les échanges.

Lamoussa a elle aussi démarré dans le commerce du paddy. Aujourd’hui, elle a installé une unité de décorticage au niveau du village 5 de la plaine. Ses clients viennent surtout de la région et des achats institutionnels.
Lamoussa et Safoura vendent également à certains commerçants qui refusent de signer des contrats formels malgré les actions du projets. A écouter ces deux femmes, elles connaissent le même problème de l’accès au financement pour l’approvisionnement en paddy. Cependant, elles ont eu moins de chance que la Rizerie Kaboré : elles ont vendu leurs plus gros volumes par le canal des achats institutionnels. Le règlement après livraison a beaucoup tardé. Cette situation les a vraiment fragilisées.
Grâce au projet elles avaient pu contractualiser de manière formelle avec la coopérative Kumale de producteurs de paddy du village 3.

Aujourd’hui, leur plus grand souhait est de disposer des fonds nécessaires pour la campagne qui va démarrer incessamment.

Nous avons participé aux achats institutionnels. Nous étions censés recevoir nos payements au bout de deux semaines. Mais nous avons dû attendre cinq mois avant de recevoir nos fonds. Au point que nous nous cachions des producteurs avec lesquels nous avions pris le paddy. Cela n’a pas été facile. Le matin quand tu te lèves, tu cherches un endroit où aller pour ne pas subir la pression de tes créanciers. Cependant nous sommes armées de courage pour poursuivre notre activité !

Lamoussa Zoure PDG de la Rizerie Sanara Wend Panga

D’ici deux semaines le paddy sera disponible sur la plaine. Notre souhait est de disposer de liquidité pour acquérir le paddy avant que les ghanéens ne prennent toute la production comme ce fut le cas de la campagne dernière.

Safoura Bancé PDG Rizerie Koumare