Une franchise pour l’étuvage de riz au Burkina Faso

Dans les régions des Hauts Bassins et des Cascades, dans la zone Ouest du Burkina Faso, il existe cinq centres d’étuvage, gérés par des unions de bases de l’Union Nationale des Etuveuses de RIZ du Burkina (UNERIZ). Chaque jour, des femmes entrepreneurs y vont pour étuver le paddy (riz non décortiqué) acheté auprès des riziculteurs dans la région et /ou cultivé elles-mêmes. Elles y apprennent les bonnes pratiques : lavage, trempage, cuisson à la vapeur du paddy, séchage, décorticage, vannage, tri, emballage et vente collective du riz étuvé. Elles y apprennent aussi comment mieux gérer leur activité d’étuvage pour en tirer le maximum de bénéfices.

L’activité est très rémunératrice pour les femmes. Au cours des années elles ont vu presque doubler leurs revenus issus de l’étuvage. Les centres d’étuvage peuvent servir 20 femmes par jour, mais vu le nombre de femmes membres des unions (200 en moyenne), le travail s’y déroule par rotation et le temps entre deux passages pour une même femme peut par endroit atteindre 2 à 3 mois…

Il faudrait au moins 10 centres pour faire travailler tous les femmes d’une union. Mais les femmes à elles seules, vu leur niveau de revenus, ne peuvent pas construire d’autres centres sans aide extérieure. Il faut disposer d’un grand terrain et avoir le financement pour construire tous les bâtiments qui répondent aux normes sanitaires et acquérir tout le matériel nécessaire

Selon les investigations de l’UNERIZ, en effet, la production collective de l’ensemble des douze centres d’étuvage membre de la faîtière, ne représente que le quart de la production des 3163 membres prises individuellement. Cela signifie que la plus grande partie du riz étuvé est produite à la maison.

Individuellement les femmes n’ont pas toujours l’équipement et les moyens financiers nécessaires pour s’acheter tout le matériel nécessaire pour produire la qualité de riz recherchée par le marché chez elles à la maison. Jusqu’à présent les centres d’étuvage sont le seul lieu où les femmes peuvent produire le riz de qualité exigée par les consommateurs.

Rikolto dans sa logique d’intervention, veut amener les femmes à raisonner comme des entrepreneurs et ne pas toujours attendre l’aide de l’extérieur. Si les femmes sont appuyées à créer de micro entreprises en mesure de fournir le riz étuvé de qualité en quantité, elles verront leurs revenus individuels s’accroitre davantage.

C’est pourquoi, Rikolto a construit en collaboration avec l’UNERIZ, un modèle d'affaires alternatif répondant aux préoccupations majeures des femmes étuveuses individuelles : le modèle d’affaire en franchise pour le riz étuvé. Surtout, les femmes ont besoin de financement qui leur permet d’investir pour s’équiper, s’approvisionner conséquemment en paddy, en emballages attrayants et produire du riz étuvé de qualité et en grande quantité.

Mais aussi, elles ont besoin de formations sur les meilleures techniques en étuvage, en entrepreneuriat, et besoin d’introduire des pratiques innovatrices en écologie telles que, la réduction de l’utilisation du bois de chauffe, de la quantité d’eau nécessaire pour l’étuvage, et la valorisation des énergies renouvelables dans le procédé de transformation.

C’est un modèle de franchise qui a été développé avec les femmes étuveuses :

• Le franchiseur (UNERIZ) qui est l’initiateur du « réseau de franchise », fournit le savoir-faire et les services nécessaires aux femmes franchisées : formations sur les bonnes pratiques de production, sur la gestion d’une microentreprise d’étuvage de riz, contrôle de la qualité du riz produit, mise à disposition des emballages et de la marque, facilitation de l’accès au crédit ;
• Les franchisées (femmes étuveuses individuelles) qui pratiquent l’étuvage/transforment le paddy en riz étuvé, sont les femmes qui utilisent les technologies dans leur processus d’étuvage ; elles livrent le riz étuvé au centre d’étuvage, qui fait la commercialisation collective.

Pour garantir la durabilité du modèle, les femmes individuelles doivent pouvoir obtenir un crédit pour s’équiper et acheter du riz paddy. Rikolto a mis des institutions financières autour de la table, ce qui a abouti à un partenariat entre UNERIZ et CorisBank. UNERIZ dispose d’un fond de garantie à CorisBank, ce qui consolide le partenariat avec les membres de UNERIZ. Les femmes peuvent prêter à un taux d’intérêt plus bas pour s’équiper et acheter du riz paddy.

UNERIZ, qui est franchiseur, fournit aux femmes un certain nombre de services ce qui rassure les institutions financières. Toutes les femmes sont formées en gestion entrepreneuriale, la gestion de credit et l’élaboration des dossiers de demande de financement. Elles disposent de plans d’affaires individuelles, outils de gestion comptable et autres outils de gestion/managérial. Elles dispose également des plan d’affaires.

Deux technologies innovantes ont été testées pour servir dans le modèle de franchise, à savoir le séchoir solaire et le kit d’étuvage en inox (sorte de grand couscoussier). Ces technologies ont permis d’apporter des solutions aux contraintes rencontrées par les femmes dans leur activité d’étuvage. Plusieurs améliorations ont été constatées par les 40 femmes étuveuses impliquées.

Dans un premier temps, les innovations testées ont permis l’amélioration de la qualité du riz étuvé : Le taux d’impuretés est passé de 20% à 7% : c’est-à-dire, moins de grains noirs, de cailloux, d’enveloppes de grains vide, et de son. Avant, sur 100 kg on pouvait avoir jusqu’à 20 kg d’impuretés, actuellement seulement 7 kg d’impuretés sont obtenus après application des bonnes pratiques, le taux de brisure est diminué de 40% à 15% c’est-à-dire du nombre de grains brisés.

On constate aussi que les volumes de paddy transformé par femme étuveuse peuvent être plus que doublés. Avant le projet, les femmes utilisaient à la maison du matériel qui ne leur permettait d’étuver à chaque tour que 40 kg de paddy; ainsi pour produire par exemple 500 kg de riz étuvé par jour, il faudrait reprendre le processus d'étuvage plus de 10 fois ou alors disposer de plusieurs couscoussiers de 40 kg. Maintenant, un nouveau kit d’étuvage a été mis au point et peut transformer en une fois 100 kg de paddy ; une femme peut étuver facilement 5 fois dans la journée ; soit 500 Kg/jr.

Après l’étuvage, le riz doit être séché. Avec les méthodes traditionnelles de séchage, il fallait tout une journée et une nuit pour obtenir un bon paddy bien séché. Présentement, les 500 kg paddy étuvé peut être séché en 6 à 8 h selon l’insolation avec le séchoir solaire. En plus de permettre de sécher de si grandes quantités, le séchoir permet de protéger le riz contre les contaminations diverses : poussière, animaux, cailloux.

Enfin, les technologies utilisées ont permis la réduction de la pénibilité et du temps de travail des femmes. Comme les femmes utilisent des couscoussiers plus grands, elles peuvent étuver une plus grande quantité à la fois. Aussi le temps de séchage – où les femmes doivent chaque fois remuer le riz – est réduit par un tiers. Cela permet d’accroître leurs marges bénéficiaires.

Toutes ces améliorations ont favorisé l’obtention d’un prix plus rémunérateur pour les femmes et par conséquent, l’amélioration de leurs revenus : accroissement du prix de vente en gros de 320 à 600 FCFA/Kg d’où une amélioration du revenu des femmes franchisées qui passe de 480 000 FCFA (730 euro) à 775 000 FCFA (1180 euro).

D’un budget total de 145 000 euros, le projet est mis en œuvre avec l’appui financier de JAFOWA, DGD, Ondernemers voor Ondernemers et l’appui des donateurs privés de Rikolto.